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Ce geste vif et léger avec lequel elle corrige la mèche qui barre son front. L’impeccable carré de ses cheveux. L’élégance d’une robe fluide à l’imprimé bleu nuit et le twist de bottines en daim camel. Un corps vivant, une allure gracieuse et souple, une voix posée, des mots choisis. Une femme invaincue est apparue, mercredi 23 octobre, devant la cour criminelle du Vaucluse. Tout en elle est volonté. Dedans, Gisèle Pelicot est « totalement détruite ». Mais elle tient. Elle se tient. Pour elle. Pour toutes les femmes, ici et ailleurs, qui lui font cortège et la portent autant qu’elle les porte. Face à ces hommes qui l’ont violée alors qu’elle était sédatée. Et face à l’homme, seul dans son box, dont elle a partagé la vie.
C’est à lui qu’elle a choisi de s’adresser d’abord, alternant le « tu », le « nous », le « il », le « Dominique » et le « ce monsieur ». « Je ne vais pas pouvoir le regarder, la charge émotionnelle étant là. Je voudrais l’appeler Dominique aujourd’hui. Nous avons eu cinquante ans de vie commune, trois enfants, sept petits-enfants. Tu as été pour moi un homme bienveillant, attentionné, en qui j’avais toute confiance. »
Gisèle Pelicot s’interrompt quelques secondes, dompte l’émotion qui l’assaille, reprend. « On a partagé nos rires, nos peines. Je l’ai soutenu dans ses problèmes de santé, de travail. Pendant dix ans, pendant mes soucis de santé, il m’a accompagnée chez le neurologue, chez les gynécologues. Combien de fois je lui ai dit : “Quelle chance j’ai de t’avoir à mes côtés !” Nos amis l’appréciaient. Tout ça, pour moi, c’était le bonheur. Je n’ai pas compris, et c’est ça qui me pose problème, comment ce monsieur, qui était un homme parfait, a pu en arriver là ? Comment a-t-il pu me trahir à ce point ? Comment as-tu pu faire entrer ces individus dans notre chambre à coucher ? Pour moi, cette trahison est incommensurable. Je pensais finir mes jours avec ce monsieur, ce père attentionné. »
Sur le pupitre, Gisèle Pelicot a posé quelques feuilles noircies jour après jour à l’audience. D’une voix calme, elle livre les éclats qu’elle y a déposés. Ce jeune accusé, « venu violer une femme qui avait l’âge de sa maman ». Cet autre « qui a eu l’élégance de dire que, s’il avait dû violer, il n’aurait pas choisi une femme de 57 ans… J’en avais 67 ». L’humiliation souvent éprouvée pendant les interrogatoires. « On me dit que je suis complice, consentante. On a même essayé de me dire que j’étais alcoolique. Il faut être solide dans cette cour criminelle. Je ne suis sortie qu’une seule fois, cinq minutes. »
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